Synthèse
« Le diagnostiqueur immobilier est d’intérêt public. (…) Ce n’est pas que le DPE. C’est beaucoup plus que cela », martèle Nawel Djouder, journaliste à Infodiag. Et Thierry Marchand, vice-président de l’Alliance du diagnostic immobilier, de nuancer : « Diagnostiqueur immobilier et DPE sont totalement intrinsèquement liés, le terme de diagnostiqueur a été créé en 2006 avec l’arrêté du 15 septembre 2006 relatif au diagnostic de performance énergétique. Préalablement, on parlait d’opérateurs de repérage ou de mesureurs ». En effet, aujourd’hui, les diagnostiqueurs ont un large périmètre de missions (audit énergétique, diagnostic de performance énergétique – DPE, constat de risque d’exposition au plomb, état d’amiante, état relatif à la présence de termites, état d’installation intérieur de gaz et d’électricité, état des risques et de pollution, etc.) qui s’inscrivent dans le plan stratégique de santé publique. On dénombre 10 000 diagnostiqueurs, salariés ou indépendants, qui génèrent un chiffre d’affaires consolidé de l’ordre de 1,3 milliard d’euros.
Malgré l’important rôle tenu par la profession, un sentiment de suspicion pèse sur elle dans le cadre de sa mission relative au DPE : sur les 4 millions d’actes réalisés, 1,7% seraient inexactes. « On a un risque majeur, alerte Lionel Causse, député des Landes, ancien président du Conseil national de l’habitat, celui de voir le DPE supprimé (…). Aujourd’hui, au sein de l’Assemblée nationale, beaucoup de députés et de groupes politiques voudraient le voir supprimer, comme on a supprimé en commission il y a 15 jours les ZFE, comme on est en train de supprimer le ZAN, et comme la mission en cours sur la RE 2020 qui, à mon avis, fera en sorte que la RE 2020 ne tienne ni le calendrier ni mêmes les objectifs que l’on s’est fixés. »
Pour contrecarrer les effets néfastes de ce constat, et venir en aide à une profession menacée et victime d’un bashing émanant d’une certaine presse, la ministre chargée du Logement, Valérie Létard, a lancé le 9 mars 2025, un plan d’actions reposant sur 10 mesures pour fiabiliser le DPE. Un initiative saluée et soutenue par l’ensemble des professionnels du secteur. Jean-Christophe Protais, président de Sidiane, fait remarquer « qu’il faut privilégier les mesures dont l’efficacité est avérée (…) en essayant de préserver l’équilibre économique du diagnostiqueurs ».
1. Contrôle automatisé des DPE : l’intelligence artificielle et des outils d’analyse statistique de l’ADEME (Agence de la transition écologique) devraient identifier les anomalies. En cas de détection de fraude, un contrôle sera automatiquement opéré par l’organisme de certification. « Il faut mettre en oeuvre cette vérification systématique qui est un moyen de surveillance extrêmement efficace et qui va résoudre énormément de problèmes de non-qualité », déclare Jean-Christophe Protais, « il faut déjà utiliser ce qui a été développé par l’ADEME et par le CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) et effectivement le compléter par de l’intelligence artificielle ». La mise en place de ce dispositif pourrait peut-être permettre d’opérer un contrôle du niveau des prix pratiqués pour faire un DPE, à défaut de pouvoir réguler sur ce point ou d’imposer un prix plancher qui irait à l’encontre des principes de l’économie de marché. Un point sensible sur lequel politiques et professionnels s’accordent à dire que cela serait extrêmement compliqué à mettre en place. Un ordre professionnel – s’il venait à voir le jour – aurait toutefois, selon Thierry Marchand, toute légitimité à travailler sur ce point.
2. Renforcement des contrôles : les diagnostiqueurs seront inspectés au moins une fois par an. L’objectif est d’opérer 10 000 contrôles en 2025.
3. Sanctions plus strictes en cas de fraude : suspension immédiate avec interdiction d’exercer avant 18 mois et 2 ans en cas de récidive. Les récidivistes seront inscrits sur une liste noire. Nawel Djouder s’interroge de savoir qui va juger. Jean-Christophe Protais applaudit la mesure : « que les fraudeurs soient châtiés, (…) que les organismes de certification et de formation soient plus contrôlés, c’est une très bonne chose. D’ailleurs, les organismes de certification sérieux plébiscitent cela ». Ce dispositif viendrait conforter l’actuel fichier central des diagnostiqueurs géré par l’ADEME, qui est d’une fiabilité relative : « Il faut surtout qu’il soit bien géré. (…) Il est absolument anormal qu’un diagnostiqueur qui a été radié ou supprimé d’un organisme de certification puisse, le lendemain, se présenter à un autre organisme de certification. (…) Un liste noire, pourquoi pas, mais il faut surtout pouvoir interdire d’être inscrit sur la liste bleue ou verte », interpelle Thierry Marchand. Le député Lionel Causse adhère : « tout ce qui donne de l’information, de la transparence, de la visibilité va dans le bon sens ».
4. Surveillance accrue des organismes certificateurs et de formation pour éviter des conflits d’intérêts. Nawel Djouder souligne que cette mesure émane des diagnostiqueurs et des fédérations. Thierry Marchand et Jean-Christophe Protais votent à l’unisson pour un durcissement de la gestion du conflit d’intérêts.
5. Recours à la géolocalisation pour s’assurer que le DPE a bien été réalisé sur site. Thierry Marchand estime que cela va soulever des problèmes de mise en œuvre au regard du RGPD et du droit du travail. Jean-Christophe Protais adhère à cette analyse, tout en précisant que : « Cela va coûter entre 10 et 20 euros par diagnostiqueur et par mois. (…) C’est une mesure que j’écarterai. Il y a une telle jurisprudence sur la géolocalisation qu’il ne serait pas raisonnable que le ministère retienne cette idée ».
6. Réflexion autour de la création d’un ordre des diagnostiqueurs immobiliers. Une mission va être confiée par Valérie Létard à une personnalité – sans doute un parlementaire – pour mesurer la pertinence et la faisabilité de créer un ordre professionnel des diagnostiqueurs. Cette idée est pour partie inspirée par Lionel Causse, qui travaille déjà à une proposition de loi tendant à fonder une structure ordinale : « J’avais sollicité les syndicats, les fédérations, les organismes qui tournent autour de cette profession pour les inciter à venir échanger (…) et voir comment l’Assemblée nationale peut essayer d’accompagner pour poursuivre la professionnalisation de cette filière. (…) Je vois des propositions. (…) Des professionnels ont envie de s’autoréguler mais pas forcément dans un ordre. (…) » Le député ne cache pas son inclination pour la création d’un ordre : « Quand les professionnels se régulent et se gèrent, globalement, cela se passe plutôt bien ». Toutefois, il relève que la dispersion syndicale ne facilite pas la création d’une telle entité : « Si on veut avancer vers une organisation à terme, il faudra peut-être aussi travailler sur le fait d’avoir un peu moins d’interlocuteurs (NDLR : 7 syndicats seraient répertoriés). Moins il y a d’interlocuteurs, plus c’est facile. ». Quoi qu’il en soit, le député devrait d’ici mai-juin 2025 faire ses propres propositions qui viendront compléter le travail lancé par la ministre. Thierry Marchand estime que la diversité des périmètres de la profession rend la tâche de Lionel Causse bien complexe et estime que la structure envisagée n’est pas adaptée à la réalité du terrain. Jean-Christophe Protais confirme : « qu’il n’est pas raisonnable (…) d’arriver à 10 devant les pouvoirs public. (…) Il est impératif, effectivement, d’unir nos efforts pour être plus pertinent, plus percutant et représenter tout le monde, y compris les indépendants. (…) », et appelle à « régler les problèmes de la certification avant de parler d’ordre ».
7. Délai de transmission du DPE : le résultat ne sera plus communiqué immédiatement à la suite de la visite d’évaluation. Jean-Christophe Protais trouve cela peut réaliste : « Pour faire un diagnostic de performance énergétique, il faut vérifier qu’on n’a pas entré une donnée erronée. On le constate tout de suite lorsqu’on a une note qui est aberrante (…). C’est un premier contrôle qualité très simple qui est indispensable. Et pour faire des préconisations de qualité (…) il faut faire des simulations et pouvoir utiliser la note pour se projeter. »
8. Création de formations initiales post-bac : une mission confiée à Henry Buzy-Cazaux, membre du Conseil national de l’habitat. Pour Thierry Marchand, « c’est, sans commune mesure, le premier point, le plus important de ce plan ». Il préconise d’inscrire un plan de carrière pour fidéliser les salariés à la profession : « diagnostiqueur immobilier à bac +2, technicien supérieur en diagnostic immobilier à bac +3 et ingénieur en diagnostic immobilier à bac +5. On a absolument besoin de cette structure pour construire des négociations salariales (…) et de conventions collectives. Ce n’est pas normal qu’on ne puisse pas, à ce jour, négocier les salaires de notre secteur au niveau conventionnel ». Le vice-président de l’Alliance du diagnostic immobilier attend aussi une uniformisation de la formation qui aurait pour effet mettre fin aux diagnostics aux résultats contradictoires, les professionnels ayant été formés d’une façon différente. Il préconise un programme de BTS qui couvre les volets juridique, technique et connaissance du bâtiment. Il en appelle aussi à ce que formateurs et certificateurs soient deux corps de métiers distincts. Henry Buzy-Cazaux évoque la possible mise en place d’ici 2027 d’un BTS : « S’il y a une priorité décidée par le gouvernement, le ministère concerné en fera lui-même une priorité. Pour niveau bac +3 et bac +5, cela prendra un plus de temps, il va falloir séquencer ».
9. Élaboration d’un outil de vérification des certifications : chaque diagnostiqueur disposera d’une carte professionnelle avec un QR code pour permettre au client de s’assurer de leurs qualifications. Jean-Christophe Protais estime que cette mesure n’est pas indispensable, qu’elle relève « du gadget ».
10. Authentification systématique des DPE : tout diagnostic aura un QR code renvoyant vers le site de l’ADEME permettant de vérifier son authenticité. Une bonne mesure pour Thierry Marchand qui, depuis plusieurs années, sensibilise les notaires, pour qu’ils s’assurent de l’authenticité du DPE qu’on leur présente, sous peine de voir leur responsabilité engagée. Pour Jean-Christophe Protais, la procédure de dépôt sur le site de l’ADEME serait une preuve que le diagnostiqueur est certifié.
Enjeux
Avec l’entrée en vigueur des interdictions de louer, le regard porté par l’opinion comme par les pouvoirs publics sur les diagnostiqueurs s’est fait plus attentif et plus exigeant: de ces professionnels et de leurs constats, dépend désormais la possibilité même de maintenir la destination locative d’un logement.
Au-delà, le prix de cession d’un bien ou le calcul du loyer sont impactés par la performance énergétique. Les banques et les assureurs eux-mêmes prennent en considération le DPE pour mesurer le risque attaché à un bien et en déduire les conditions de son financement ou de sa couverture. Enfin, si le DPE est sur le devant de la scène pour toutes ces raisons, les autres diagnostics ne comptent pas moins, porteurs d’enjeux sanitaires et de transparence de première importance.
Dans le même temps, la presse et les associations de consommateurs dénoncent régulièrement un manque de fiabilité d’une fraction des diagnostics réalisés.
Le gouvernement s’en inquiète et la ministre du logement a élaboré un « plan ambitieux pour restaurer la confiance ».
- Est-il adapté ?
- Que faut-il en attendre ?
- Le corps professionnel des diagnostiqueurs est-il vraiment malade ?
- La situation est-elle vraiment préoccupante ?
Des experts nous livreront leurs analyses et leurs propositions.
Les intervenants
- Lionel Causse, député des Landes, ancien président du Conseil national de l’habitat
- Nawel Djouder, journaliste à Infodiag
- Thierry Marchand, vice-président de l’Alliance du diagnostic immobilier
- Jean-Christophe Protais, président de Sidiane
Le débat est animé par Henry Buzy-Cazaux, président fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers.
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