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Les enjeux
Avec une collecte en hausse désormais régulière – 10 milliards en 2022, après 7,4 milliards en 2021, les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) démontrent qu’elles sont devenues en un demi-siècle d’existence l’un des produits de placement vedettes des Français. La typologie de ceux qui choisissent ce support d’investissement s’est d’ailleurs élargie: les jeunes, les ménages à revenus moyens ont rejoint les investisseurs plus expérimentés et à la surface financière plus établie. Elles ont traversé la crise pandémique sans dommage, quand beaucoup leur prédisaient un avenir difficile, et les exigences de la transition environnementale ne leur font pas peur, quand elles plongent les bailleurs individuels dans un profond désarroi.
L’offre des quelque 200 SCPI est désormais variée, utilisant tous les actifs immobiliers possibles, tertiaire, commercial, logistique, résidences services, immeubles dédiés à la formation, aux soins…et bien sûr résidentiel pur, en France et à l’étranger. Ce produit permet en outre une diversification au sein d’une même société.
Qui plus est, les SCPI jouent de deux atouts: une gestion déléguée, et un contrôle de haut niveau, du fait de leur appartenance à l’univers des actifs financiers. Enfin, elles sont aujourd’hui attentives à leurs relations avec les porteurs de parts et développent des relations clients à part entière, en dépit de leur nature dématérialisée.
Les intervenants
Le débat est animé par Henry Buzy-Cazaux, président-fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers, secrétaire général du Cercle. Avec :
- Lætitia Bernier, directrice commerciale et marketing de Perial
- Paul Bourdois, président fondateur de France SCPI
- Pierre-Antoine Burgala, directeur du développement et associé d’Iroko
- Jean-Marc Coly, président de l’ASPIM (Association française des sociétés de placement immobilier)
La synthèse
« En 2022, la collecte est, quasiment, de 10 milliards d’euros. C’est un record absolu. On n’a jamais autant collecté sur les SCPI. Le succès va en grandissant parce que c’est un produit qui répond aux attentes : complément de revenus, revenus réguliers. Il y a un couple rendement-risque qui ne divorce jamais, qui est équilibré. Très peu de produits peuvent se targuer d’avoir un risque aussi maîtrisé et un rendement plus que correct. Ce record de collecte s’explique par une conjonction de facteurs dont l’épargne COVID, qui est à son maximum depuis 2020 (plus de 200 milliards d’euros). (…) Face à la nervosité du marché action, les Français se sont orientés vers les SCPI », expose Paul Bourdois, président fondateur de France SCPI et auteur de l’ouvrage La SCPI pour les nuls (First éd., 2022, 240 p.). La société civile de placement immobilier (SCPI) serait-elle l’organisme de placement collectif capable de traverser sans encombre les périodes de crise économique ? Alors que faut-il savoir avant de se lancer dans la constitution d’un tel patrimoine, véritable alternative au traditionnel réflexe d’acquisition directe de l’immobilier ?
Les données fondamentales
Appelé « Pierre papier », ce produit d’épargne prend la forme d’une société non cotée en Bourse, soumise à une réglementation stricte, faisant l’objet de contrôles opérés par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Ce produit permet aux épargnants (particulier ou personne morale) d’acquérir une ou plusieurs parts du portefeuille immobilier détenu par la SCPI et de percevoir des revenus réguliers, stables sans avoir à se soucier de la gestion locative des biens, d’une politique d’encadrement ou d’une indexation plafonnée des loyers. L’investisseur doit s’acquitter de frais de souscription et de gestion variables selon les SCPI et les politiques commerciales des distributeurs. Ces frais sont, in fine, supportés par le locataire. Les SCPI affichent un rendement moyen d’environ 4,5 %. Et la mise en place d’indicateurs de performance, depuis le 1er janvier 2022, assurent aux investisseurs une transparence sur ces rendements. Quant à la durée moyenne de détention, elle oscille autour de 20 ans.
Les SCPI « d’entreprise » mettent en location des biens variés, situés en France comme à l’étranger et destinés à la commercialisation : bureau, hôtels, crèches, résidences séniors, etc. Le marché propose aussi des SCPI « d’habitation » (souvent associées à un dispositif fiscal comme, par exemple, l’investissement Pinel). Comme le souligne Jean-Marc Coly, président de l’Association française des sociétés de placement immobilier (ASPIM), « les SCPI sont, aujourd’hui, identifiées par leurs capacités à pouvoir gérer des problèmes sociétaux (logement, santé, vieillesse, logistique…) et les améliorer. Cela donne un nouveau sens à cette épargne. (…) En outre, le marqueur fort, actuellement, est le label ISR “ investissement socialement responsable ” (NDRL : pour qu’une SCPI soit éligibles au label ISR, elle doit répondre à 6 critères). (…) Les gérants adossent ce label et marquent clairement leur objectif, sans négliger la performance. Cela représente aujourd’hui 50 % de la collecte ». Si aux yeux des distributeurs ce label est assez incontournable, le président de l’ASPIM reconnaît n’être pas encore extrêmement certain que les investisseurs – mis à part les jeunes – aient la même prise de conscience de la nécessité d’investir dans un produit « sociétalement » et énergétiquement raisonnable.
Sur le plan fiscal, les revenus fonciers sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Quant aux revenus financiers (les intérêts de placement réalisés par une SCPI), ils sont soumis au prélèvement forfaitaire unique de 30 % (Flat tax). La valeur des parts entre dans l’assiette du patrimoine imposable à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). En cas de vente de celles-ci, c’est le régime des plus-values immobilières des particuliers qui s’applique et, dans le cadre d’une transmission, les droits de succession ou de donation doivent être acquittés.
De nouveaux porteurs de parts de SCPI
Faut-il est fortuné pour investir dans une SCPI ? La typologie actuelle des porteurs de parts est très large : « De plus en plus de jeunes s’intéressent à la SCPI mais ils n’investissent pas parce qu’en France, on adore, avant tout, acheter sa résidence principale », se désole Paul Bourdois. Ce dernier se souvient que quand France SCPI a créé sa plateforme, qui permet d’investir sur n’importe quelle SCPI de manière digitalisée, elle s’adressait, au début, aux personnes qui avaient 25-35 ans : « Parce qu’on pensait, à juste titre, que c’était un produit qui était parfait pour cette génération. (…) Le concept leur correspond mais ce sont les personnes qui ont de l’argent (c’est-à-dire les plus de 40-45 ans) qui, plus établies dans leur vie professionnelle et déjà propriétaires de leur résidence principale, constituent la majorité des investisseurs sur les SCPI ». Malgré ce constat, la connexion digitalisation-jeunes épargnants constitue un atout pour attirer de nouveaux clients d’autant que, comme le souligne Pierre-Antoine Burgala, directeur du développement et associé d’Iroko, « le jeune va aller vers un peu de crypto, un peu de SCPI (…) ».
Quant au ticket d’entrée, il reste accessible puisque quelques milliers d’euros suffisent pour souscrire à une SCPI : « Certains affichent un taux de souscription assez bas pour fidéliser. (…) Chez Iroko, nous avons commercialement fait le choix de ne pas être totalement accessible. Notre but n’est pas de multiplier les clients mais d’avoir une clientèle qui comprend dans quoi elle investit. La mise de fonds initiale est à 5 000 euros. Mais il est possible de trouver des SCPI avec des tickets d’entrée plus modeste », précise Pierre-Antoine Brugala. En outre, l’accès au crédit pour l’achat de parts est possible, tout comme l’acquisition de parts en démembrement. Et, selon les SCPI, l’investissement peut être à un rythme mensuel ou trimestriel.
Digitalisation v. intermédiation : quel mode de souscription choisir ?
Plateforme, conseillers en gestion de patrimoine (CGP), banques, sociétés de gestion … par quel canal souscrivent les 4 000 000 de porteurs de parts de fonds immobiliers ? Force est de constater que le marché suit le mouvement de la digitalisation qui s’opère sur tous les écosystèmes. Ce canal offre la possibilité de souscrire en ligne rapidement et efficacement, sans avoir à signer bon nombre de documents. Il facilite les process d’exécution (notamment les prélèvements). Pour Paul Bourdois, passer par une plateforme constitue un avantage puisqu’elle permet de comparer toutes les SCPI entre elles.
Pour autant, la digitalisation ne permet pas d’offrir l’accompagnement client nécessaire aux souscripteurs moins expérimentés : « L’avenir de l’épargne va vers la transparence. Les épargnants choisissent aujourd’hui leurs produits d’épargne en connaissance de cause. Internet en est clairement en grande partie responsable même si sa seule consultation ne permet pas aux investisseurs qui s’intéressent de tout appréhender. (…) Les performances passées ne préjugeant pas des performances futures (…), il est important d’apporter une certaine pédagogie. (…) Cette pédagogie passe par l’information (…) et nos clients doivent avoir une confiance absolue sur les actifs qui leur sont proposés. (…) Les obligations réglementaires imposent aux sociétés de gestion d’éditer des rapports trimestriels ou semestriels qui portent sur le taux d’occupation, le niveau de la dette, etc. (…) Parmi les investisseurs, il y a des érudits capables effectivement de composer eux-mêmes leur portefeuille mais, globalement, l’apport des CGP est nécessaire », relève Pierre-Antoine Burgala. Et Laetitia Bernier, directrice commerciale et marketing de Perial, de compléter : « Toute va dépendre effectivement du profil de l’investisseur. Je pense que l’information est accessible mais il y a toute une phase d’apprentissage pour comprendre le fonctionnement d’une SCPI et les indicateurs qu’il faut observer. Certains épargnants le font (et peut-être de plus en plus) mais ce ne sont pas les mêmes profils que ceux qui vont déléguer et faire confiance à un CGP qui, de toute façon, aura une connaissance beaucoup plus élargie par rapport à la problématique patrimoniale de l’épargnant ».
Savoir gérer son risque
Même si les risques sont répartis sur l’ensemble des investisseurs de la SCPI, il est important que chaque investisseur sache mesurer sa part individuelle de risque. « Incontestablement, de 2008 jusqu’à aujourd’hui, on pouvait se lever idiot le 1er janvier et finir riche le 31 décembre, juste avec la compression des taux. On sent bien que ce monde est fini. Quand on regarde la situation économique d’aujourd’hui dans l’immobilier, ce n’est pas neutre », ironise Jean-Marc Coly. Aussi ce dernier préconise-t-il de constituer un portefeuille de parts au fur et à mesure du temps, en démarrant par de petites souscriptions qui pourront être augmentées par la suite pour disposer, un jour, d’un capital conséquent, qui pourra être transmis. De même, il encourage l’internationalisation et la diversité des investissements : « On peut avoir un peu plus de performance et quelque chose de différent sur d’autres pays. (…) ».
Si la diversification peut s’inscrire dans la composition du portefeuille des investisseurs en disposant de parts dans différentes SCPI ayant chacune une spécialisation, elle peut aussi être organisée et proposée par une même SCPI. Pour exemple, « PFO », la SCPI européenne diversifiée de Perial : « Elle a une diversification à la fois typologique (c’est-à-dire qu’on va y trouver aussi bien des bureaux, des hôtels que des commerces, des résidences gérées, des résidences seniors, par exemple) et une diversification géographique (on va investir en France et dans la zone euro). Cette diversification permet de “ dérisquer ”, on l’a vu pendant la pandémie où des SCPI spécialisées, notamment dans le commerce, ont été plus impactées », illustre Laetitia Bernier. Le groupe Perial, qui dispose de 6,3 milliards d’actifs au travers de cinq fonds immobiliers dont quatre SCPI, a d’ailleurs lancé, il y a deux ans, « PF Hospitalité Europe », une SCPI européenne spécialisée dans l’accueil et l’hébergement couvrant tous les stades de la vie : crèche, résidence étudiants et résidence seniors.
Autres points de vigilance : la remontée actuelle des taux d’intérêt et les stratégies adoptées par les professionnels du secteur. Le président de l’ASPIM alerte : « Il va y avoir des ajustements de prix sur le marché. (…) Concernant la stratégie d’investissement, je crois que les gérants préfèrent garder leur argent, regarder ce qui va se passer sur le marché avant d’investir, passer ce creux du marché et profiter des opérations qui seront à leur prix au moment où ils décideront d’investir. (…) Pourquoi se presser alors qu’on peut faire de meilleures opérations demain ? » Et, en ces temps troublés, la prudence est de rigueur si l’on souhaite assurer à ses clients un niveau de performance à long terme. C’est pourquoi, l’investisseur doit aussi veiller à bien choisir à qui confier son épargne. Pour Laetitia Bernier, la stratégie des professionnels doit reposer sur trois grands axes : « tout d’abord, déployer une gestion dynamique, c’est-à-dire qu’on va observer le patrimoine, l’accompagner dans son évolution tant en termes d’acquisition que de cession. On peut choisir de se séparer de certaines typologies d’immeubles parce qu’on estime qu’elles ont performé, (…) qu’elles ne correspondent plus à la stratégie ; ensuite, travailler sur l’amélioration du patrimoine : on doit rester attractif pour les locataires et fidéliser les locataires existants ; enfin, anticiper et répondre aux réglementations de demain : notre SCPI “ PFO2 ” est une illustration parfaite d’anticipation de la règlementation environnementale puisqu’elle affiche des objectifs de réduction de consommation d’énergie » (NDRL : 80% des encours gérés Perial sont labellisés ISR).
Modèle de rémunération des distributeurs : vers un horizon à long terme
Comme rappelé, l’investisseur est généralement tenu de s’acquitter de frais de souscription (d’environ 9-10 %) qui sert à rémunérer la société de gestion et le distributeur, qu’il soit banquier ou CGP. Iroko a fait le choix de supprimer ces frais, ce qui n’empêche pas l’entreprise de rémunérer ses distributeurs : « Notre modèle modifie fondamentalement la méthodologie de rémunération de nos distributeurs. Néanmoins, nous accompagnons les CGP au travers d’une rémunération. Nous abandonnons une partie de notre marge au profil des conseillers de patrimoine qui nous apportent des investisseurs et qui font tout le travail de suivi et d’accompagnement des clients dans la durée. (…) En abandonnant cette commission de souscription, en la passant à 0 %, on n’a plus cette somme à partager. Donc on a décidé de rémunérer nos partenaires sur l’encours qui est, évidemment, plus faible qu’une rémunération up front. Néanmoins, comme la durée moyenne de détention des SCPI est de 20 ans, la rémunération sur l’encours vient récompenser le travail de suivi du CGP auprès du client, dans la durée. Cela a une autre vertu : comme un contrat d’assurance-vie, cela vient valoriser la structure dans la durée puisque cela crée de l’encours », expose Pierre-Antoine Burgala.
Quels changements attendus pour garantir le futur des SCPI ?
Concernant les SCPI « d’habitation », Jean-Marc Coly en appelle aux pouvoirs publics : « aujourd’hui, les investisseurs, au travers des produits collectifs, ne croient pas fondamentalement à l’immobilier. (…) mais il faut absolument qu’on y revienne parce que c’est le problème sociétal majeur. (…) Les logements ne sont pas dans un état décent et pas toujours aux endroits où ils devraient être. (…) On commence à voir des gens qui reviennent sur ce marché, et le plus bel exemple est celui de la Caisse des Dépôts, de la Banque des Territoires et de CDC Habitat. (…) Je pense qu’il est temps de revenir vers les particuliers avec ce produit-là mais il faut que le rendement soit à la hauteur des attentes des investisseurs. (…) Je demande aux pouvoirs publics de nous aider en ne créant plus d’engagements courts ou d’avantages fiscaux courts mais plutôt en permettant une vision longue du produit ».
Face aux obligations de performances énergétiques et environnementales pesant tant sur les SCPI « d’habitation » que les SCPI « d’entreprise », le président de l’ASPIM souligne les inégalités d’aides proposées par les pouvoirs publics entre particuliers et détenteurs d’actifs : « Vous êtes un particulier, vous possédez un logement que vous avez acheté et, pour le faire progresser, vous avez le droit à MaPrimeRénov’, contrairement à un particulier détenteur de parts de SCPI (…) au motif que le bien est géré par des professionnels. On pourrait nous accompagner dans cette démarche. Certes, un actif immobilier fait l’objet, à période régulière, de grandes restructurations et le coût est intégré dans la gestion de l’actif sur le long terme. (…) La difficulté sera demain lorsqu’on nous demandera d’accélérer la restructuration. (…) Il est essentiel que (…) les copropriétés puissent décider de faire des travaux qui sont nécessaires pour remettre aux normes le logement. Pour l’instant, les règles de majorité ne nous permettent pas de le faire : il suffit que quelques-uns s’opposent à ces travaux pour que l’immeuble globalement ne puisse pas progresser. Les gens ne refusent pas de gaieté de cœur. En réalité, ils n’ont pas toujours les moyens. Je pense qu’il faudrait aussi essayer de trouver un système qui permette de prêter à une copropriété, sur une période relativement longue, et que des lots puissent constituer une sûreté au profit du banquier. Cela permettrait à tout le monde d’effectuer des travaux. (…) Il faudrait un système à la fois pour accélérer le process, rendre supportable le coût des travaux , tout en permettant aux investisseurs de s’intéresser à ces actifs à rénover».
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