La synthèse
« C’est le collectif qui gagnera la médaille de l’organisation », tels sont les propos tenus par Serge Boulanger, préfet, secrétaire général de la zone de défense et sécurité de Paris. Des propos qui appellent à la mobilisation des professionnels de l’immobilier, des Franciliens et des pouvoirs publics, à leur capacité d’adaptation pour faire en sorte que ces Jeux olympiques et paralympiques puissent se dérouler dans les meilleures conditions pour garantir le respect des principes et libertés fondamentaux (principe de sécurité et de propriété, liberté d’aller et venir, liberté d’expression, etc.) et que l’activité d’un secteur économique – déjà en crise – puisse se maintenir. On rappellera que les Jeux olympiques et paralympiques se dérouleront respectivement du 26 juillet au 11 août puis du 28 août au 9 septembre 2024.
Connaître les règles des Jeux olympiques et paralympiques
Qui dit « jeux », dit « règles » qui régissent les conditions de leur déroulement, et par voie de conséquence, les possibles contraintes que doivent respecter les personnes qui y participent d’une manière ou d’une autre. Des règles qui doivent tenir compte d’un contexte de menace terroriste sur les plans international et national, comme le rappelle monsieur le préfet : « On ne peut pas, à travers un événement de cette taille que l’on accueille une fois par siècle, minimiser le risque terroriste auquel on peut être confronté. Malheureusement, les attentats de Munich nous ont rappelé que cela peut survenir ». À cela s’ajoutent : la gestion des actions spontanées d’activistes, les mouvements de foules pouvant entraîner des accidents, la délinquance toujours en action malgré la mise en œuvre du « plan zéro délinquance » par la préfecture de Paris depuis quelques mois.
La conciliation des intérêts en présence a astreint les pouvoirs publics à établir des dispositifs de circulation des personnes, dont le degré de sévérité varie selon les zones géographiques et/ou les événements. Tel sera le cas, par exemple, le 26 juillet 2024, pour la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques qui va se dérouler sur six kilomètres et demi linéaires avec plus de 700 000 personnes attendues : la zone sera, comme le précise Serge Boulanger, « totalement sanctuarisée et seules des traversées exclusivement pédestres » pourront avoir lieu entre les deux rives parisiennes. Pour autant, le préfet tient à souligner que ce n’est pas toute l’agglomération parisienne qui est concernée. La préfecture de police a ainsi élaboré des cartes consultables sur son site internet pour visualiser les périmètres impactés par les Jeux.
Ces cartes font apparaître trois zones : « les zones grisées, les zones rouges, et les zones bleues. Les zones grisées sont le secteur de compétence de Paris 2024, le périmètre organisateur, (…) et correspond aux installations sportives, aux tribunes qui y sont associées. (…) S’y ajoute le périmètre SILT qui est celui à partir duquel il y a des contrôles de sûreté : billetterie et passages de portiques ou palpations de sécurité, de manière à vérifier que les personnes qui entrent à l’intérieur de ces sites ne sont pas porteuses d’objets interdits. Ces zones ont, à quelques exceptions, peu d’impacts directs sur les riverains et ne disposent quasiment pas de commerces. Autour, nous avons des zones rouges qui correspondent à un périmètre de sécurité dans lequel les piétons et les cyclistes pourront circuler librement. Il n’y aura pas besoin d’un laissez-passer digital ou d’un QR code. Les déplacements en véhicule motorisé à deux roues ou à quatre roues seront interdits, pour éviter un drame comme on a pu le connaître à Nice. (…) Les zones bleues n’ont pas de contraintes de fonctionnement précises. Elles ont pour seule vocation d’empêcher la circulation de transit, c’est-à-dire (…) pour aller d’un point A à un point B, on ne passe pas par les zones olympiques ». Monsieur le préfet précise que ces zones seront intégrées dans les outils de guidage : « Nous avons mobilisé du personnel qui, 24 heures sur 24, actualisera Waze©, pour la route, et Citymapper©, pour les transports collectifs ». Concernant les transports, la totalité des stations seront ouvertes, à l’exception de trois : Tuileries, Concorde et Champs-Elysées-Clémenceau, fermées durant l’intégralité des Jeux olympiques. Pour des raisons de sécurité, « les stations toutes proches des sites seront, elles aussi, fermées, invitant les usagers à s’y rendre à pied », relève Serge Boulanger.
Sont aussi consultables sur le site de la préfecture une foire aux questions ainsi qu’un tableau qui recense, à date, les typologies de dérogation envisageables dans les périmètres rouges. À noter : les périmètres de sécurité seront mis en place plusieurs jours avant la cérémonie d’ouverture ; le secteur Pleyel, où sera installé le village olympique, sera concerné par ces règles dès le 18 juillet et jusqu’à la fin des Jeux paralympiques ; dès le 1er mars, les premières barrières feront leur apparition autour de la place de la Concorde, le Champ-de-Mars ou le Trocadéro ; dès mai, les déviations de circulation seront activées.
L’établissement de ces contraintes et la diffusion de ces cartes, à plus de 200 jours de l’événement, ont été rendus possibles par l’important travail effectué en amont entre acteurs publics et économiques et la volonté du préfet de Paris de jouer la carte de la transparence pour que particuliers comme professionnels puissent anticiper et adapter leurs organisations et leurs déplacements. Des méthodes saluées par l’ensemble des professionnels de l’immobilier participant au débat.
Savoir conjuguer avec les règles des Jeux
Si le télétravail a été fortement recommandé, il n’est envisageable ni pour certains corps de métiers ni pour répondre aux urgences : « On peut avoir une raison de vouloir intervenir dans les périmètres rouges, de manière programmée ou non. (…) Tout ce qui est programmé pourra faire l’objet d’une déclaration en amont dans le principe des laissez-passer digitaux. (…) La déclaration sera relativement simple de manière à pouvoir faciliter les entrées dans le périmètre rouge, y compris pour les aspects logistiques », précise le préfet. Quant aux urgences imprévisibles, elles font planer sur la tête de la préfecture de Police la menace de voir sa responsabilité pénale retenue, notamment si, par malheur, les mesures de sécurité entravent les actions menées par les services de santé, comme SOS Médecins. Des urgences pour répondre à un besoin technique, comme l’intervention d’un plombier ou d’un ascensoriste, ou à la mise en péril d’un immeuble, ont aussi été identifiées. L’ensemble de ces dérogations d’urgence sera étudié au cas par cas.
Philippe Boué, président de la Fédération des ascenseurs, confirme que, dans son secteur, le télé-entretien n’est pas la règle : « l’intervention physique est nécessaire, notamment dans les immeubles parisiens où les ascenseurs ne sont pas les plus récents ». Philippe Boué a été l’un des premiers à anticiper ces Jeux et à se rapprocher des pouvoirs publics pour leur signifier l’importance de l’activité dans le quotidien des Parisiens. Pour lui, les ascensoristes assurent une mission de service public. S’il salue l’organisation mise en place, il interpelle toutefois le préfet concernant les conditions dans lesquels ses collaborateurs pourront exercer leurs fonctions : « On va réussir à s’organiser avec des accréditations, (…) mais mes techniciens et agents qui viennent dépanner ont besoin d’une caisse d’outils. (…) Comment le préfet va-t-il aborder la fouille ? » Cette dernière sera effectivement un passage obligé mais là encore le préfet se veut rassurant.
Savoir délivrer le bon message pour relativiser l’impact des Jeux sur la vie quotidienne
Malgré tout le sérieux de ce dispositif, les professionnels de l’immobilier sont inquiets.
Philippe Servalli, président de la FFB Grand Paris, président-directeur général de Saint-Denis Constructions, anticipe les impacts sur l’économie du secteur : « Après le 15 juin, les autorisations de travaux vont clairement être beaucoup plus compliquées à obtenir dans les zones concernées par les Jeux. (…) La circulation est un sujet. (…) Un autre problème relève plus du domaine psychologique et touche nos clients privés et publics, nos architectes. On a malheureusement constaté aujourd’hui que nos maîtres d’ouvrage prennent comme excuse les Jeux olympiques pour retarder la mise en œuvre des travaux. Ils nous disent que l’on verra cela en fin d’année. (…). On a beau expliquer les choses (…), ce phénomène s’étend à la petite couronne. (…) Toute la profession doit délivrer, avec l’aide des autorités, le bon message qu’il n’est pas question d’arrêter l’activité économique du Grand Paris ». Face à cette inquiétude, Serge Boulanger rappelle que l’ensemble du Grand Paris n’est pas visé par les Jeux et que : « dans la zone bleue, les travaux n’ont pas d’impact. C’est différent en zone rouge. (…) Il faut regarder si les travaux interviennent sur la voie publique. (…) Quant aux travaux à l’intérieur du bâtiment, ils n’ont aucune incidence. » Aussi la possibilité évoquée par certains professionnels d’avoir recours à la mise en chômage partiel de leurs équipes est-elle exclue par le préfet.
Côté administrateur de biens, Benjamin Darmouni, président délégué du pôle Grand Paris de l’UNIS, évoque la sécurisation des immeubles réclamée par les copropriétaires : « 15 jours avant les JO, vous demandez à votre gestionnaire de changer le code de l’immeuble. (…) On va pouvoir sécuriser les appartements dans lesquels on connaît la présence de locataire car un professionnel est en mesure de vous donner le nom, le prénom, le numéro de téléphone d’un locataire. Mais avec les locations meublées touristiques, comme la plateforme Airbnb©, nous n’aurons aucune information ». Les congés annuels des gardiens et gardiennes en plein été constituent, cette année, un problème et viennent accroître le risque d’insécurité pour les biens et les personnes. Mais un autre pan de la sécurité inquiète plus largement cette profession : la solidité des balcons. « Nous avons une réelle crainte. Ils ne sont pas faits pour accueillir 40 personnes. (…) On ne maîtrise pas le surnombre. S’il y a un incident qui en sera responsable ? ». La préfecture de Police est tout aussi démunie que les gestionnaires : « Nous n’avons aucun moyen pour proscrire le nombre de personnes. (…) Il faut sensibiliser ».Pour répondre à l’ensemble des inquiétudes qui pourraient encore perdurer ou qui vont voir le jour dans les semaines à venir, on soulignera que l’ensemble des acteurs économiques sont invités à poser leurs questions par mail à la préfecture de Police à l’adresse suivante : pp-comjop@interieur.gouv.fr. Serge Boulanger a renouvelé l’engagement des pouvoirs publics à tout mettre en œuvre pour que ces Jeux olympiques et paralympiques parisiens soient un événement heureux. Car, il est vrai, que malgré toutes ces contraintes, il faut garder à l’esprit, qu’en 2024, plus que jamais Paris est une fête.
Regardez la conférence en replay !
Les enjeux
Si la France et sa capitale en particulier sont fiers d’accueillir les Jeux olympiques et paralympiques en juillet, août et septembre prochains, les troubles créés par leur organisation promettent d’être considérables pour le quotidien des Franciliens.
Les mesures de sécurité exceptionnelles et la définition de périmètres dans lesquels la circulation des véhicules et des personnes sera strictement règlementée vont compliquer considérablement la vie des immeubles et de tous ceux qui ont la responsabilité de leur gestion, de leur maintenance ou des interventions d’urgence rendues nécessaires par leurs dysfonctionnement techniques. De même, les transactions, pour la location ou la vente, seront compliquées: les visites de biens, les constats d’état des lieux, les diagnostics techniques feront l’objet de contrôles stricts.
Pour les administrateurs de biens et les agents immobiliers, pour les entreprises tous corps d’État, pour l’ensemble des fournisseurs et des partenaires des copropriétés, comment l’activité va-t-elle pouvoir se poursuivre au service des habitants ?
Pour répondre avec précision, le préfet en charge de la zone de défense et de sécurité de Paris, mais aussi des représentants du monde du bâtiment et de l’administration de biens et de la transaction. Ce débat aboutira à un véritable mode d’emploi des JO et des JOP à destination des professionnels de l’immobilier.
Les intervenants
Le débat est animé par Henry Buzy-Cazaux, président-fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers, secrétaire général du Cercle. Avec :
- Philippe Boué, président de la Fédération des Ascenseurs
- Serge Boulanger, préfet, secrétaire général de la zone de défense et de sécurité de Paris
- Philippe Servalli, président de la FFB Grand Paris, président-directeur général de Saint-Denis Constructions
Comments are closed.