La vidéo
Les enjeux
La France a bien failli n’avoir pas de véritable budget pour 2025, et l’année 2025 a débuté sous couvert d’une loi de finances spéciale, ne faisant que reprendre celle de 2024, pour permettre au pays de continuer de fonctionner a minima.
Il y a quelques jours, le gouvernement ayant usé du vote bloqué, le texte issu d’une commission mixte paritaire (accord entre 7 députés et 7 sénateurs) est devenu la loi de finances pour 2025.
Le logement bénéficie ainsi d’un train de mesures ayant fait l’objet de débats circonstanciés, de nature à relancer le marché, et d’un consensus entre les groupes politiques et les deux assemblées parlementaires.
Que penser de ces mesures inscrites dans la loi tardivement et remportées de haute lutte par la filière professionnelle, grâce à l’opiniâtreté de la ministre du logement, Valérie Létard ? Sont-elles bien ciblées ? Assez puissantes ?
Sur la base d’un rappel précis et objectif des décisions prises, des personnalités représentatives des activités immobilières livrent leur analyse du budget du logement et donnent leurs perpectives économiques.
Les intervenants
- Pascal Boulanger, président de la FPI
- Grégory Monod, président du Pôle Habitat FFB
- Sylvie Montout, directrice des affaires économiques de la CAPEB
- Delphine Rouxel, présidente du réseau Nestenn
Le débat est animé par Henry Buzy-Cazaux, président fondateur de l’Institut du Management des Services Immobiliers.
La synthèse
La France s’est enfin dotée d’une loi de finances pour 2025 qui a été publiée le 16 février (LF n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, JO 15 févr.) « Le budget relatif au logement s’est imposé comme un sujet prioritaire qui a fait vite consensus », rapporte Sébastien Chabas, journaliste. Si le vote des dispositions propres au logement n’a posé aucune difficulté, que pensent les professionnels du secteur des mesures qui ont été prises ?
Extension du prêt à taux zéro (PTZ) dans le neuf (LF 2025, art. 90)
À l’origine, le PTZ estouvert, sous conditions de ressources, aux primo-accédants pour l’acquisition d’un logement neuf situé dans un bâtiment d’habitation collectif localisé en zone A ou B1. Il peut aussi être accordé pour l’acquisition d’un logement ancien dans le respect de conditions spécifiques (réalisation de travaux énergétiques). Désormais (LF 2025, art. 90), le PTZ pourra être accordé, dès le 1er avril 2025, pour l’acquisition d’un logement neuf sur tout le territoire. Ce logement pourra être situé dans un habitat collectif ou individuel (maison). Les offres de prêt pourront être émises jusqu’au 31 décembre 2027. À noter que les logements anciens avec travaux ne sont pas concernés par cette extension, leur financement par le PTZ se limitant aux zones non tendues, et qu’il était déjà possible d’obtenir un PTZ pour l’acquisition de locaux à usage de bureau situés sur tout le territoire pour les aménager en logement.
Pour Grégory Monod, président du pôle Habitat de la FFB : « La loi de finances 2025 va dans le bon sens. (…) On espère que cela va se conjuguer avec la baisse des taux ». Le PTZ est vu comme un booster de croissance pour la filière de la maison individuelle qui a perdu, en 2024, environ 60 % de la moyenne long terme de vente et environ 40 % de ses collaborateurs en 2 ans. « La maison individuelle va redémarrer beaucoup plus vite que la promotion immobilière parce qu’on est sur un acte qui est plus simple à lancer », relève Grégory Monod. Pour mémoire, seulement 20 000 PTZ avaient été distribués en 2023 et 10 000 au 1er trimestre 2024. Le président du pôle Habitat de la FFB estime que l’application du PTZ sur l’ensemble du territoire devrait permettre à « 75 % des personnes ayant bénéficié d’un PTZ en 2022 d’avoir accès au PTZ à partir du 1er avril 2025 », à moduler selon les quotités qui seront arrêtées par décret en fonction des revenus. « Il risque d’y avoir une différenciation entre les quantités du PTZ pour la promotion immobilière et celles pour la maison individuelle », souligne-t-il. Cela augurerait environ 30 000 ventes de logements neufs.
Ce coup de pouce devrait donc enclencher des intentions d’achat. Certains promoteurs immobiliers ont déjà anticipé cette opportunité de relance : « Sur le 4e trimestre, on peut constater une distribution du PTZ supérieure. « Les promoteurs immobiliers ont adapté leurs produits au pouvoir d’achat de nos concitoyens : il y a eu une baisse des prix des produits qui sont restés sur le marché (…), ce qui a permis parfois de passer dans un niveau de ressources où l’on pouvait financer au travers du PTZ. Lorsque l’on regarde les chiffres du PTZ dans le collectif, ils ont plutôt tendance à augmenter sur les deux derniers trimestres de 2024. Il y a un effet psychologique : le PTZ peut servir au collectif », analyse Grégory Monod.
Exonération des droits de mutation à titre gratuit en cas de donation de sommes d’argent pour l’acquisition ou la rénovation énergétique d’un logement affecté à l’usage de résidence principale (LF 2025, art. 71)
Seront exonérés de droits de mutation à titre gratuit les dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété à un enfant, un petit-enfant, un arrière-petit-enfant ou, à défaut d’une telle descendance, un neveu ou une nièce lorsque ces sommes sont affectés par le donataire :
– à l’acquisition d’un immeuble acquis neuf ou en l’état futur d’achèvement ;
– à des travaux et des dépenses éligibles à MaPrimeRénov’ et réalisés en faveur de la rénovation énergétique du logement dont le donataire est propriétaire et qu’il affecte à son habitation principale. À noter que le donataire ne doit pas avoir déjà bénéficié de cette prime.
La somme donnée doit être affectée à l’un de ces objectifs dans les 6 mois suivant la date du versement.
Le bien doit être conservé comme résidence principale ou être affecté à la location à usage d’habitation principale pendant une durée de 5 ans à compter de la date d’acquisition (ou d’achèvement) de l’immeuble ou à compter de la date d’achèvement des travaux de rénovation.
Cette exonération est encadrée dans la double limite :
– de 100 000 euros par un même donateur à un même donataire ;
– et de 300 000 euros par donataire.
Cette exonération est temporaire. Pour en bénéficier, le don d’argent devra s’opérer entre le 15 février 2025 et le 31 décembre 2026.
Quel que soit le montant donné, il devrait compenser la perte de pouvoir d’achat lié à l’accroissement des taux d’intérêt, et pouvoir constituer l’apport nécessaire à l’obtention d’un financement.
Cette mesure a été prise sur l’initiative de Pascal Boulanger, président de la FPI. Ce dernier souhaitait déjà,après la guerre du Golfe, la voir adopter pour relancer le secteur… en vain, malgré l’intérêt manifesté par plusieurs ministres : « Grâce à cette mesure d’exception, on estime qu’on pourrait faire au moins la moitié de ce qu’on fait actuellement en PINEL (entre 60 000 – 65 000 logements), soit 30 000 logements environ. (…) Elle va relancer l’économie et Bercy a bien compris qu’un logement vendu c’est, en moyenne, 50 000 euros de TVA. (…) ». Pour 2026, la FPI travaille déjà sur une réforme du statut du bailleur : « On souhaite une loi pérenne (notamment en matière de fiscalité), égalitaire (par rapport aux autres placements comme l’assurance-vie) et qui emprunte au monde de l’entreprise en termes d’amortissement ». Un projet qui devrait être proposé d’ici le 31 mars 2025 auprès de Valérie Létard, ministre auprès du ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, chargée du Logement, qui a déjà donné pour mission à un député et un sénateur de travailler sur le sujet.
Côté pôle Habitat FFB, si la mesure est saluée, une déception et une inquiétude demeurent : « Il y a eu un petit rabotage de dernière minute de Bercy. (…) Le terme “construction” a été sorti de la disposition d’origine. (…) Aujourd’hui, on voudrait que la doctrine fiscale considère que ce n’est pas uniquement l’acquisition d’un logement neuf, et que cela peut être aussi la construction parce que, je le rappelle, dans le cadre d’un contrat de construction de maison individuelle, le maître d’ouvrage reste le particulier. (…) Certaines directions générales des finances publiques pourraient remettre en cause cette donation affectée dans ce cadre », alerte Grégory Monod.
Côté agents immobiliers,Delphine Rouxel, présidente du réseau Nestenn, regrette que le marché de l’ancien ne soit pas soutenu par la loi de finances et que cette exonération en cas d’apport familial ne soit pas applicable pour une acquisition dans l’ancien. Elle relativise toutefois, consciente que le budget 2025 devait d’abord permettre par sa sobriété de garantir la trajectoire de réduction des déficits publics scrutée par les marchés : « Cette loi est essentielle pour maintenir ou contrôler en tout cas les taux d’intérêt qui soutiennent énormément notre activité. (…) Quand les taux baissent, l’attrait pour l’acquisition immobilière revient. (…) Sur les quatre derniers mois, la progression du volume des ventes faites dans le marché de l’ancien (chez Nestenn et chez certains de nos confrères) est constatée. On est à plus 25 % par rapport à N-1. (…) On a fait environ 750 000 transactions (contre 1 200 000 il y a encore 2 ans). (…) On espère atteindre, pour 2025, 850 000 – 900 000 transactions ».
Augmentation des droits de mutation à titre onéreux sur décision du conseil départemental (LF 2025, art. 116, II)
Les conseils départementaux peuvent relever le taux du droit d’enregistrement (« frais de notaire ») au-delà de 4,50 %, sans que ce taux excède 5 %, pour les actes passés et les conventions conclues entre le 1er avril 2025 et le 31 mars 2028. L’augmentation serait, dans un premier temps, de 500 euros par tranche de 100 000, soit 1 500 euros pour un bien de 300 000 euros par exemple. À noter que cette augmentation provisoire ne s’applique pas lorsque le bien acquis constitue pour l’acquéreur une première propriété et qu’il est destiné à l’usage de sa résidence principale.
L’augmentation entrant en vigueur 2 mois après son vote par le conseil départemental, les agents immobiliers ont d’ores et déjà pris des mesures : « Nous avons déjà prévu des clauses dans les compromis (…) pour prévenir les personnes qui vont acheter des biens dans les prochains jours qu’une augmentation interviendra potentiellement avant la réitération de l’acte authentique », expose Delphine Rouxel. Pour savoir si le département où se trouve le bien a voté cette augmentation, il est recommandé de solliciter l’ADIL de son département.
Delphine Rouxelredoute que la mesure soit prise massivement par les conseils départementaux et perde ainsi son caractère optionnel. Pour preuve, la Ville de Paris – qui a aussi statut de conseil départemental – a déjà voté l’augmentation, avant même que le Conseil constitutionnel ne se prononce sur la loi de finances. « Les collectivités locales ont besoin de compenser la perte de la taxe d’habitation (…) Le fait qu’elle s’arrêtera dans 3 ans pose quand même une interrogation aujourd’hui », interpelle la présidente du réseau Nestenn.
Réduction des crédits alloués au dispositif MaPrimeRénov’
Le budget du dispositif est réduit à 2,3 milliards pour l’année 2025, soit une baisse de 460 millions d’euros par rapport à 2024.
Sylvie Montout, directrice des affaires économiques de la CAPEB, se dit « déçue » par le budget alloué qui n’est pas en adéquation avec les ambitions de rénovation énergétique mais « rassurée » par le fait que l’accès au parcours par geste soit maintenu jusqu’au 31 décembre 2025, parcours qui a bien failli être remplacé par un financement par le dispositif CEE (aide financière accordée par des fournisseurs d’énergie) : « On a une baisse d’avance de la trésorerie pour les travaux par geste pour les ménages très modestes de 70 à 50 % du montant prévisionnel ; pour les projets de rénovation d’ampleur, on a aussi un taux d’aide maximale qui va diminuer pour les ménages aux revenus intermédiaires et pour les ménages aux revenus supérieurs ». Le reste à charge n’est pas négligeable pour les particuliers, ce qui fragilise le marché. Elle rappelle que ces aides soutiennent la demande et qu’environ 63 % du chiffre d’affaires des entreprises artisanales reposent sur les travaux d’entretien, d’amélioration et de rénovation énergétique mais que depuis 4 trimestres consécutifs, un retrait est constaté sur ces activités : « Le marché de la rénovation devrait être dynamique. Or, sur les 5 800 000 passoires thermiques présentes sur le territoire, selon l’Ademe, pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone des rénovations globales, on devrait avoir entre 600 000 et 700 000 rénovations performantes annuelles. Or, on est bien en dessous de ces objectifs. (…) On est un peu les parents pauvres du secteur de la construction », dénonce-t-elle. Pour 2025, l’Anah prévoit d’accompagner 100 000 rénovations d’ampleur.
Sylvie Montout ne s’oppose pas à l’idée qu’à terme, le dispositif MaPrimeRénov’ se limite au parcours d’ampleur financé par l’Anah car cela répondrait à la demande de la CAPEB d’avoir une offre lisible, stable et visible tant pour les particuliers que pour les entreprises artisanales embarquées dans la rénovation : « Le dispositif CEE ne nous apparaît pas comme une solution pour financer les travaux mono-gestes mais on discutera avec les acteurs et on essaiera de voir quelle serait la bonne solution sachant, également, que ces marchés aidés sont sources de fraude, de nos nombreux rapports en font état concernant les CEE. ». Pour 2026, la CAPEB souhaite des mesures pour lutter contre la fraude : « C’est aussi un des éléments essentiels qui permettra (…) un meilleur accès au marché aux entreprises de qualité et aux ménages pour pouvoir réaliser leurs travaux dans de bonnes conditions ».
Concernant le label RGE, ce sont quelque 10 % des entreprises qui sont labellisées, mais 1/3 des entreprises membres de la CAPEB, une proportion qui demeure constante et qui ne permet pas de répondre aux besoins. Depuis un an, la CAPEB prône pour que cette qualification soit davantage portée sur la qualité des travaux et que le RGE soit validé par l’acquis d’expérience avec la mise en place d’audit de chantier.
Sur l’intervention des constructeurs dans le domaine de la rénovation, Pascal Boulangerindique qu’elle a toujours existé. Il rappelle que la rénovation coûte plus chère que la construction et qu’elle doit être envisagée dans un lieu où le marché peut absorber des prix élevés de vente : « On confond souvent rénovation et emplacement. (…) La belle rénovation n’est possible que dans un endroit bien placé où les prix vont permettre d’atteindre (…) parfois des montants 4 ou 5 fois plus élevés que celui de l’ancien. (…) Il faut donc s’assurer que le prix de sortie que nous allons afficher est compatible avec le marché de l’ancien et la vie des concitoyens ». Grégory Monod souligne que la FFB a intégré dans ses statuts le métier de promoteur-rénovateur. Il confirme les propos de Pascal Boulanger et attire l’attention sur la nécessité de distinguer la rénovation de la réhabilitation, la première action n’ayant pas pour effet de créer un nouveau logement.
LMNP : intégration des amortissements dans le calcul de la plus-value en cas de revente (LF2025, art. 84)
Depuis le 16 février 2025, en cas de revente d’un bien loué par un non-professionnel, l’assiette taxable pour le calcul de la plus-value doit intégrer les amortissements comptables. Le nouveau mode de calcul s’applique en cas de revente d’une résidence de tourisme. Il ne concerne pas la revente d’une résidence destinée à l’accueil d’étudiants ou de séniors ou celle d’un EHPAD, qui restent soumis à l’ancien régime.
Autres dispositions pouvant avoir un impact sur le marché de l’immobilier
Il faut aussi souligner le vote des mesures suivantes :
- dotation de 100 000 euros pour les maires constructeurs de logement ;
- minoration de 200 000 000 d’euros de la cotisation des bailleurs sociaux (réduction du loyer de solidarité – RLS) à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) ;
- réduction du budget des APL (aide personnalisée au logement).
Comments are closed.